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Parmi les découvertes liées aux travaux d’urbanisme parisien du xixe siècle, il en est une qui n’a peut-être pas toujours été appréciée à sa juste mesure. En 1849, lors des travaux d’aménagement de la librairie Hachette, à l’angle de la rue Pierre-Sarrazin et de la rue de la Huchette, l’actuel boulevard Saint-Michel, furent mises au jour près de quatre-vingts stèles juives, dont la plupart furent données au musée de Cluny par Louis Hachette. D’autres stèles, situées à proximité du lieu de la future découverte et encore visibles au xviie siècle, furent transcrites par Étienne Baluze avant leur disparition1. Cet ensemble exceptionnel, aujourd’hui en grande partie déposé au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, est le principal témoignage matériel de l’importante communauté juive établie à Paris aux xiie et xiiie siècles. En effet, si l’on sait qu’il y avait deux cimetières juifs à Paris au xiiie siècle (et un troisième, rive droite, utilisé à une période plus tardive, au xive siècle), on conserve seulement des traces documentaires du second, fermé dès 12732.
Le cimetière juif de la rue Pierre-Sarrazin s’étendait sur une part non négligeable de la rive gauche, entre les rues Pierre-Sarrazin, Hautefeuille, de la Harpe et des Deux-Portes (le tracé de ces deux dernières rues correspondant à celui des actuels boulevards Saint-Michel et Saint-Germain). Quelques rares textes permettent d’en suivre l’histoire, notamment un document de 1283 faisant état d’un conflit avec le collège de Bayeux3. Dès l’expulsion des juifs par Philippe le Bel en 1306, le cimetière est condamné à disparaître : le terrain est donné par le souverain aux dominicaines de la priorale Saint-Louis de Poissy. La parcelle revendue en 1321 au comte de Forez fut peu à peu lotie4. Il est difficile de savoir quand le cimetière commença à être utilisé, en raison du nombre de dalles fragmentaires et non datées. Tout juste peut-on noter que, mis à part une stèle dont la datation est contestée, la plus ancienne stèle datée conservée est celle d’un homme mort en 12355, ce qui semble indiquer que le cimetière n’a accueilli des tombes que pendant à peine plus de trois quarts de siècle.
Ces stèles ont été étudiées à de nombreuses reprises6, aussi ne reviendrons-nous pas sur l’ensemble des renseignements qu’elles apportent. Nous nous contenterons de noter ici à quel point elles forment une riche documentation sur l’anthroponymie des juifs parisiens du xiiie siècle et permettent notamment de constater que si les hommes portent systématiquement des noms bibliques, les femmes, elles, portent à une fréquence non négligeable des noms romans souvent fort évocateurs.
Une stèle a été signalée par Schwab, 1904, comme étant au musée de Cluny sans numéro d’inventaire, et comme non retrouvée par Nahon, 1986. Outre le récolement spécifique effectué par Gérard Nahon et un autre récolement de ces stèles qui a eu lieu à l’occasion du dépôt d’une partie de la collection au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme en 1998, deux récolements de l’ensemble des collections lapidaires ont eu lieu depuis cette date. Aucune trace de cette stèle n’étant apparue, il est pratiquement certain que son attribution au musée de Cluny par Schwab était erronée, d’autant que l’on n’en trouve pas davantage de mention dans Longpérier, 1874.
Stèle funéraire de Rabbi Salomon, fils de Rabbi Juda
Stèle funéraire d’Esther, fille de Rabbi Joseph
Stèle funéraire de Jacob, fils de Rabbi Abraham
Stèle funéraire de Dame Hannah
Stèle funéraire de Dame Judith, fille de Rabbi Sabbatai
Halévi
Fragment de stèle funéraire de Yehiel
Stèle funéraire de Dame Margalit, fille de Rabbi
Ézéchias
Fragment de la stèle funéraire de Natronai
Fragment de stèle funéraire d’un chantre
Fragment de stèle funéraire de Simḥah
Stèle funéraire de dame Bonnefoy
Fragment de la stèle de Dame Rachel
1. BnF, département des Manuscrits, Baluze 212, fol. 144-156.
2. Archives nationales, S 83a, no 12, publié dans B. Guérard, éd., Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, Paris, 1850, t. 2, p. 477-479, et B. Guérard, éd., Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, Paris, 1850, t. 3, p. 378 notamment. Sur les cimetières juifs de Paris, voir Michel Roblin, « Les cimetières juifs de Paris au Moyen Âge », Mémoires de la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de l’Île-de-France, 1952, p. 7-19.
3. Archives nationales, J 427, no 13.
4. Archives nationales, P 1394, no 45, JJ 46, no 150 et JJ 60, no 104, fol. 71v-72v.
5. Musée Carnavalet, 1.I. 118, Gérard Nahon, Inscriptions hébraïques et juives de France médiévale, Paris, 1986, no 3.
6. Voir notamment Schwab 1897, Schwab 1904, Sirat 1983 et, en dernier lieu, Gérard Nahon, Inscriptions hébraïques et juives de France médiévale, Paris, 1986.
Xavier Dectot
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016