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Réunion des Musées nationaux - Grand Palais - Catalogue des collections
Musée national du Moyen Age, Thermes et Hôtel de Cluny, Paris

Les catalogues raisonnés

Sculptures des XIe-XIIIe siècle - Collections du musée de Cluny

Saint-Louis de Poissy, anges

Cl. 18762 (Cl. 12575)

Ange portant la Couronne d’épines et les Clous

Poissy (Yvelines), après 1297

Calcaire lutétien sculpté avec traces de polychromie
H. 103 ; L. 27 ; Pr. 27 cm


Historique

Proviendrait de l’ancienne priorale Saint-Louis de Poissy (décor de l’autel ou du jubé ?). Collection de Louis-Eugène Bion, sculpteur (1807-1860) puis de son fils Paul-Laurent Bion, également sculpteur. Inventorié en 1891 puis en 1912. Déposé au département des Sculptures du musée du Louvre de 1949 à 1988.

Études et restaurations

Restauration par Adolphe Geoffroy en 1890. Restauration par Gérald Pestmal (procédé Mora) en 1988. Nettoyage par Nathalie Allain et Hélène Gruau, 1998.


Commentaire

L’ange se tient debout sur un socle hexagonal, le front ceint d’un bandeau étroit sur lequel remontent, au centre, quelques bouclettes. Les cheveux, lisses sur le dessus de la tête, s’épanouissent, au-delà du bandeau, en une cascade de boucles qui tombent sur les oreilles et jusqu’au milieu du cou. Le visage est rond, régulier, à peine brisé par l’avancée du menton. Sous des arcades sourcilières à peine saillantes, les yeux sont petits et étirés. Il est vêtu d’une robe longue, qui épouse sa forme légèrement hanchée, largement dégagée sur le cou, à peine froissée sur le torse, retenue à la taille par une fine ceinture dont elle tombe en longs plis tuyautés prenant parfois une forme ondulante complexe. Par-dessus, posé sur les épaules, un large manteau tombe de façon droite mais souple sur le haut du corps. Ramené en avant, il couvre complètement le bras et la main droits, retombant ensuite en un voile cascadant, tandis qu’à senestre, il ne couvre que les doigts de la main, qui en tiennent l’extrémité, le pan remontant en une succession de plis à becs qui enveloppent la figure sur le côté et sur l’arrière. Des deux ailes, seule subsiste la partie supérieure de l’aile senestre, légèrement creusée, dans laquelle les plumes, disposées en registres superposés, sont régulièrement reprises en gravure.

La disposition du manteau, couvrant la main droite et les doigts de la main gauche, ne laisse aucun doute sur le groupe iconographique auquel appartenait cet ange, celui d’anges tenant les instruments de la Passion. Mais lesquels ? Deux interprétations ont été proposées : la Couronne d’épines et les Clous (notamment par Béatrice de Chancel-Bardelot et Jean-René Gaborit dans Paris, 1998), ou l’Éponge et le Seau de vinaigre (par Robert Suckale, 2001). Si l’argument de Suckale pour mettre en doute la première hypothèse (il est surprenant que la couronne n’ait été tenue que d’une main) pourrait être recevable, l’hypothèse qu’il propose ne l’est pas : contrairement à ce qu’il affirme, il n’y a aucune trace d’une tige dans la main droite de l’ange. Qui plus est, comme le notaient Béatrice de Chancel-Bardelot et Jean-René Gaborit, la trace d’arrachement du buste ne s’explique que par la présence d’une Couronne d’épines tenue entre la main et le torse, et la façon dont est couverte la main gauche est bien celle dont, traditionnellement, les anges porteurs des Clous se couvrent la main et ne saurait être rapprochée de la couverture que l’on trouve pour les anges tenant la Lance ou l’Éponge.

Le nez et le cou sont modernes. La sculpture avait un temps été exposée en extérieur, ce dont témoignait la présence de croûte noire retirée lors de la restauration de 1988. Le cou a été repris et le nez refait au xixe siècle.

Dans le paysage déjà extraordinaire de maîtrise des sculptures de la priorale Saint-Louis de Poissy, cet ange apparaît comme l’un des plus aboutis, sans doute en partie à cause de son excellent état de conservation, et mélange au souvenir de la rigueur classique de la sculpture du milieu du xiiie siècle une souplesse élégante et précieuse renforcée par la douceur des traits du visage. Sur son contexte stylistique et sa provenance exacte, voir l’introduction sur le bâtiment.


Bibliographie

  • Edmond Du Sommerard, Musée des Thermes et de l’hôtel de Cluny. Catalogue et description des objets d’art de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance, Paris, Hôtel de Cluny, 1883, no 248.
  • Edmond Haraucourt et François de Montrémy, Musée des Thermes et de l’hôtel de Cluny. Catalogue général, t. I, La pierre, le marbre et l’albâtre, Paris, Musées nationaux, 1922, no 211.
  • Alain Erlande-Brandenburg, « Une tête d’évêque du portail du bras sud de Notre-Dame de Paris », Bulletin monumental, t. 129, 1971, p. 108-109.
  • Alain Erlande-Brandenburg, « À propos d’une tête d’ange provenant de la priorale Saint-Louis de Poissy », Hommage à Hubert Landais : art, objets d’art, collections. Études sur l’art du Moyen Âge et de la Renaissance, sur l’histoire du goût et des collections, 1987, p. 36-38.
  • Alain Erlande-Brandenburg, « Statues d’anges provenant de la priorale Saint-Louis de Poissy », Fondation Eugène Piot. Monuments et mémoires publiés par l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 69, 1988, p. 43-60.
  • Paul Williamson, Gothic Sculpture, 1140-1300, New Haven-Londres, Yale University Press, 1995, p. 173.
  • Françoise Baron, Musée du Louvre, département des sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes. Sculpture française, t. I, Moyen Âge, Paris, RMN, 1996, p. 101.
  • Robert Suckale, « Réflexions sur la sculpture parisienne à l’époque de Saint Louis et de Philippe le Bel », Revue de l’art, t. 128 (2), 2000, p. 43-44.
  • Paul Williamson, « Les rapports entre la sculpture française et la sculpture anglaise autour de 1300 », dans Danielle Gaborit-Chopin et François Avril (éd.), 1300... L’Art au temps de Philippe le Bel, Paris, École du Louvre, 2001, p. 227-228.
  • Élisabeth Antoine, Xavier Dectot, Julia Fritsch, Viviane Huchard, Sophie Lagabrielle et Florence Saragoza, Le Musée national du Moyen Âge, Paris, RMN, 2003, p. 81.
  • Marcus Schlicht, La Cathédrale de Rouen vers 1300. Portail des Libraires, portail de la Calende, chapelle de la Vierge, Caen, Société des antiquaires de Normandie, 2005, p. 265-267.

Expositions

  • Un trésor gothique : La Châsse de Nivelles, Paris, musée de Cluny, 1996.
  • L’Art au temps des rois maudits. Philippe le Bel et ses fils, 1285-1328, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 1998.
  • Paris, ville rayonnante, Paris, musée de Cluny, 2010.

Index

Désignation : Ronde-bosse
Matière : Calcaire lutétien
Technique : Sculpture polychrome
Sujets iconographiques : Ange ; Passion
Périodes : 4e quart du XIIIe siècle


Permalien pour cette notice

http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=97



Xavier Dectot

© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016

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