Contenu Menu Aide et Accessibilité
Cl. 22863
Île-de-France, vers 1285
Calcaire lutétien sculpté
H. 24,5 ; L. 24,5 ; Pr. 9 cm
Provient de l’abbaye de Gercy (Varrennes-Jarcy, cant. Épinay-sous-Sénart, arr. Évry, Essonne). Ancienne collection Fernand Bosquillon.
Sous un voile qui retombe en plis légèrement tuyautés couvrant les oreilles, une guimpe est tenue par un cercle de tête, filet de métal creusé d’une gorge et portant de légers fleurons. Elle couvre l’essentiel du front et repasse sous le menton en un double bandeau, souligné par la touaille, prise dans l’encolure du corsage et remontant vers les oreilles. Du visage n’apparaît dès lors qu’un triangle équilatéral, tempéré, dans ses angles supérieurs, par quelques mèches de cheveux légèrement ondulés et, dans sa pointe, par le discret arrondi du menton. La bouche est fine, la lèvre inférieure légèrement gonflée, les yeux sont fins, en amande, la paupière inférieure à peine moins arquée que la supérieure, sous une arcade sourcilière fine, en discret surplomb.
Le nez a disparu, seule une narine étant encore un peu lisible. La tête a été sciée, d’abord par une attaque oblique depuis le sommet du crâne, là où la guimpe fait bouffer le voile, puis parallèlement au plan du visage.
Une partie de la complexe histoire récente de cette œuvre a été reconstituée par Erlande-Brandenburg, 1971(3) et (4). Probablement peu avant 1855, Fernand Bosquillon, dont la famille était propriétaire depuis la Révolution de l’ancienne abbaye de Gercy, la fit détacher de sa tombe (aujourd’hui perdue, mais encore vue par Guilhermy, 1883), puis la montra, en 1855, à Albert Lenoir qui la signala cette même année au comte de Nieuwerkerke et à Edmond Du Sommerard. Ce dernier tente alors d’acheter le masque pour le musée dont il a la charge, mais les prétentions exorbitantes du propriétaire font échouer la négociation. On perd alors la trace de l’œuvre, dont Guilhermy, 1883, dit qu’elle se trouve dans un cabinet d’amateur parisien et dont une photographie est publiée par Rivière et Mottheau en 1898, jusqu’à son acquisition par le musée de Cluny en 1871.
Son identification, quoique affirmée par Lenoir dès 1855 et reprise par Rivière et Mottheau, 1898, a été contestée, notamment par Guilhermy, 1883. Là encore, Erlande-Brandenburg, 1975, a apporté une pierre considérable à notre connaissance, et nous nous contenterons de rappeler ses arguments : Bosquillon n’était pas collectionneur, et rien ne permet de supposer que la tête puisse avoir une autre provenance que l’abbaye. Par ailleurs, sur les seize tombes de Gercy connues par les dessins et gravures de la collection Gaignières, une seule, celle de Jeanne de Toulouse, était en ronde bosse. La légère différence iconographique que l’on trouve entre cette dernière représentation (BnF, Estampes, Pe 11c, fol. 80) et l’œuvre telle qu’elle nous est parvenue, le fait que le cercle de tête y soit traduit par une couronne, est due à une erreur d’interprétation du dessinateur (il semble en effet impossible qu’une comtesse soit représentée avec une couronne, surtout lorsque le tombeau est une commande royale). Enfin, la nature de la découpe que l’on constate sur la tête semble correspondre à la description que fait Guilhermy du gisant, où la tête est toujours visible, mais n’est plus lisible.
Reste la question de la date de ce tombeau. Jeanne de Toulouse, fille du comte Raymond VII, épousa en 1236 Alphonse, frère de Louis IX, qui reçut en apanage en 1241 le comté de Poitiers, avant de recevoir, par son épouse, le comté de Toulouse à la mort de Raymond VII en 1249. À leur mort, en 1271, ils ne laissent pas d’héritiers directs et les deux comtés revinrent, en 1271, à Philippe III le Hardi. C’est ce dernier qui fit élever le tombeau de la défunte comtesse, comme en témoignent deux mentions dans les comptes royaux, l’un, non daté, portant versement de vingt livres pro tumba comitisse pictaviensis (Prost, 1887), le second, en 1285, de quarante livres pro tumba comitissæ Pictaviæ. S’agit-il d’un paiement en cours d’exécution ou d’un règlement a posteriori ? Il est difficile de répondre, mais il est probable que, même dans le second cas, le tombeau n’était achevé que depuis peu. Une datation vers 1285 semble donc devoir être retenue, d’autant plus qu’elle correspond bien à la coiffure complexe de la défunte, faisant de ce masque un témoin supplémentaire de la fascination des sculpteurs de la fin du xiiie siècle pour le style du milieu de ce même siècle, qu’ils imitent en y ajoutant un surcroît de recherche et de préciosité, sensible ici notamment dans la géométrie parfaite du visage.
Désignation : Tombeau
Matière : Calcaire lutétien
Technique : Sculpture
Sujet iconographique : Jeanne de Toulouse
Période : 4e quart du XIIIe siècle
http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=668
Xavier Dectot
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016