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Cl. 23409
Le Puy-en-Velay (Haute-Loire), vers 1200
Bois polychrome (peuplier) ; Chêne (bras dextre)
H. 182 ; L. 146 ; Pr. 35 cm
Ancienne commanderie des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem du Puy. Acheté par Edmond Bresset, alors antiquaire à Marseille, vers 1955. Dation au musée de Cluny en paiement des droits de succession en 1991.
Étude et restauration par Anne Portal en 1990. Étude par Dominique Faunières en 1990. Restauration par Dominique Biesel en 1993. Étude de la polychromie, étude xylologique et radiographie par Sylvie Colinart, F. Drilhon et L. Hurtel pour le Laboratoire de recherche des musées de France en 1994.
Bien que l’une des pièces les plus célèbres de la sculpture romane, ce Christ est également l’une des plus complexes. Il se compose de quatre éléments de bois distincts : le corps, les bras et la tête. Trois de ces pièces sont taillées dans du bois de peuplier, tandis que le bras droit l’est, quant à lui, dans du chêne – témoignage de sa réfection postérieure. Les études menées par le Laboratoire de recherche des musées de France et par Dominique Faunières à l’occasion de son entrée dans les collections, puis par Dominique Biesel lors de la restauration de l’œuvre, ont mis en évidence bien d’autres altérations. La polychromie se constituait de multiples couches s’interpénétrant, jusqu’à dix au niveau du perizonium. Hormis un enduit ocre que l’on retrouvait sur toutes les parties (correspondant à la septième épaisseur du perizonium), ces couches étaient, qui plus est, fort diverses selon les localisations. À une date assez ancienne, puisque l’on en trouve trace sur les couches les plus profondes de la polychromie, mais non sur les plus superficielles, une partie du modelé de l’œuvre fut reprise : le côté gauche de la tête, y compris l’oreille et la barbe, et une partie du côté droit du thorax, ce qui a entraîné la disparition de quelques côtes. Le nez, quant à lui, est une restauration récente, de même que l’était la plaque fermant le dos pour cacher l’évidement de la bille, qui remplaçait un autre système de fermeture plus ancien. Plus curieux, la mortaise servant à l’assemblage du bras gauche présente deux angles : l’un plaçant le bras à l’horizontale, suivant la ligne des épaules ; l’autre dirigeant le bras vers le haut, placement retenu par le bras actuel. Il n’a pas été possible de déterminer s’il s’agissait d’une restauration effectuée à l’occasion de la mise en place du nouveau bras ou si l’on était en présence d’un intéressant exemple de Christ dont la position aurait pu être modifiée selon le déroulement du cycle de Pâques.
Le Christ porte des cheveux longs, travaillés en mèches assez étroites, qui partent en arc de cercle de part et d’autre d’une raie centrale avant de descendre de manière rectiligne sur la nuque et de s’étaler sur les épaules en trois mèches disposées en éventail. La barbe est formée de mèches courtes au niveau des tempes, qui vont se rallongeant à mesure que l’on progresse vers le menton, où elles forment des boucles en spirale. La moustache, quant à elle, est faite de quatre mèches partant sous le nez et retombant légèrement passée la commissure des lèvres. Les oreilles, grandes, sont nettement dégagées. La tête semble très inclinée, même si cette impression doit être fortement nuancée : si elle tombe vers l’avant, elle ne forme vers dextre qu’un angle d’environ 30° avec la verticale déterminée par le corps. La position extrêmement relevée des bras, et notamment du bras droit refait, est en grande partie responsable de ce sentiment d’une tête totalement basculée vers l’épaule. Le bras gauche, dont la position est plus assurée, ne présente, lui, qu’un angle beaucoup plus léger par rapport à la perpendiculaire. Le thorax, dont le modelé a été repris, est lisse dans sa partie droite et marque en revanche nettement les côtes sur le côté gauche. Plus étroit à droite qu’à gauche, l’abdomen présente un relâchement au niveau du nombril et retombe par-dessus la ceinture du perizonium, mettant ainsi en avant l’une des marques de l’humanité du Christ. Le perizonium enveloppe le corps du niveau des hanches, dont l’arrondi supérieur dépasse, jusqu’au bas des cuisses, dégageant les rotules. Travaillé symétriquement, il est marqué par des plis en ellipse, assez écartés. La ceinture, aux plis également plutôt lâches, forme un nœud circulaire avant de retomber, de manière relativement droite, entre les cuisses. Les jambes sont nettement écartées, de même que les pieds, qui forment avec le corps un angle légèrement supérieur à 45°, semblant indiquer qu’ils reposaient sur un support et n’étaient pas directement cloués à la croix.
Ce Christ appartient à une production bien déterminée, dont des exemples relativement nombreux sont parvenus jusqu’à nous, surtout si l’on tient compte de la fragilité du support bois. La plupart d’entre eux, sinon tous, étant conservés dans des communes de la Haute-Loire ou en provenant, il est assez tentant de penser que ces Christs, sans que l’on puisse les rattacher à un même atelier, dérivent en revanche tous d’un modèle commun et sont probablement à dater du dernier tiers du xiie siècle. Malgré ses nombreuses réfections et reprises, le Christ du musée est l’un des plus beaux exemples de cette production, auquel on ne peut sans doute comparer que la tête, extrêmement proche, conservée au Philadelphia Museum of Art1.
En revanche, sa provenance reste à préciser. Il fut acheté par l’antiquaire Bresset à un abbé Dumas, responsable de la colonie de vacances de Chadenac, qui le vendit pour le compte de l’Association des colonies de vacances catholiques de la Haute-Loire. Celle-ci l’avait reçu en legs de l’abbé Pascal, qui l’aurait trouvé à la commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem du Puy-en-Velay. Cette commanderie, dont la première mention remonte à 1153 et dont les parties les plus anciennes semblent bien avoir été construites dans la seconde moitié du xiie siècle, a fait l’objet de plusieurs visites pastorales, notamment en 1616 et 17892. Malheureusement, aucun des procès-verbaux de ces visites, pourtant habituellement très précises sur le mobilier, ne mentionne de Crucifixion. Dans ces conditions, on ne peut que se demander si le Christ du musée était déjà présent dans la commanderie avant la Révolution ou s’il n’y est entré qu’à l’occasion des grands déplacements d’œuvres qui jalonnèrent le xixe siècle.
1. Inv. 62.216.2
2. Neu et Perron, 1975.
Désignation : Ronde-bosse
Matières : Chêne ; Peuplier
Technique : Sculpture polychrome
Sujets iconographiques : Christ ; Crucifixion
Périodes : 1er quart du XIIIe siècle
http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=1153
Xavier Dectot
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016