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Cl. 23221
Meuse, milieu du xiie siècle
Pierre
H. 152 ; L. 38 ; Pr. 37 cm
Acquise par le musée de Cluny en 1985 de M. Bailly, antiquaire à Paris.
Analyse de la pierre par Annie Blanc pour le Laboratoire de recherche des monuments historiques en 1985. Restauration par Gérald Pestmal en 1986.
Sur une base formée par un tore épais, le personnage se tient debout, frontalement, les pieds légèrement écartés. Le bras droit longe le corps, tandis que l’avant-bras, replié, remonte vers le haut du torse, la main supportant dans l’espace ainsi délimité un psaltérion. Le bras gauche longe également le corps, l’avant-bras formant un angle ouvert, la main reposant sur l’abdomen. La tête a disparu, emportant avec elle le cou et la partie senestre du torse. Au dos, une colonne engagée soutient la sculpture. Le vêtement du personnage tombe des épaules, formant sur le torse deux séries de plis en vagues parallèles qui se rejoignent au niveau de l’abdomen en se recourbant et en se relâchant. À partir de la hanche et tout le long de la jambe droite, les plis adoptent la forme de demi-cercles superposés en cascade, tandis que sur la partie antérieure, ils descendent de façon droite, s’achevant en une série de plis superposés disposés de façon dégradée et ascendante, découvrant un second niveau de vêtement, aux plis également verticaux et parallèles, qui s’étalent en corolle au niveau des pieds. Un pan du vêtement supérieur est passé au-dessus du bras gauche et retombe en de larges plis ondulés.
L’identification comme la datation de cette sculpture ne font a priori aucun doute. Stylistiquement, elle se rattache au temps de l’expansion du premier art gothique, en une période où les expériences de Saint-Denis sont parfaitement assimilées et où le portail à statues-colonnes s’est imposé. Ce dernier était, le plus souvent, consacré aux rois de Juda, considérés à la fois comme les ancêtres et les précurseurs du Christ. C’était probablement le cas de cette statue. La façon dont la tête a été tranchée, comme décapitée, est un argument supplémentaire en faveur d’une telle identification : à la suite des bénédictins de Saint-Maur, les hommes de la fin de l’époque moderne avaient en effet vu dans les séries royales des portails et des galeries de façade une évocation de la succession des rois de France. Cette interprétation, massivement suivie à la fin du xviiie siècle, fut fatale à nombre de statues gothiques au lendemain du 21 janvier 1793, lorsqu’on les décapita symboliquement pour commémorer l’exécution du roi, ce qui fut probablement le sort de cette statue. Dès lors, il n’y a plus de doute sur le fait que le personnage ici représenté est David, le roi musicien. La localisation géographique de l’œuvre est, quant à elle, plus difficile. Les analyses pétrographiques réalisées par Annie Blanc en 1985 ne donnent que des éléments de caractérisation négative. En effet, s’il est possible d’affirmer que la pierre ne provient ni des carrières de la région parisienne, ni de celles de Champagne, du Nord de la France ou de Touraine, il n’est en revanche pas possible, en l’état des connaissances, de lui attribuer une provenance géographique. Annie Blanc évoquait alors la possibilité d’une origine poitevine ou charentaise, mais, sous l’angle du style, rien ne semble pouvoir rapprocher cette œuvre de la sculpture dans le Poitou ou en Charente dans la seconde moitié du xiie siècle. Plus fécond est probablement le rapprochement proposé par Dany Sandron avec la tête d’une statue-colonne conservée au musée de la Cour-d’or, à Metz1. Si la comparaison des éléments subsistants de part et d’autre exclut qu’ils proviennent d’une même pièce, on retrouve cependant les mêmes éléments stylistiques, notamment dans la structuration du drapé, à la fois quant à la chute du vêtement depuis l’épaule et quant à l’amorce de la retombée par-dessus la manche. Malheureusement, la provenance de la tête de Metz est inconnue. À son entrée dans les collections du musée en 1943 – période troublée s’il en est –, la seule indication est « Meuse ». Selon des annotations de Gérard Collot, ancien conservateur du musée de la Cour-d’or, il s’agirait d’un fragment d’un portail de l’abbaye de Saint-Mihiel ou d’un édifice voisin. Dans Lorraine romane, Hans-Günther Marschall évoque plutôt la cathédrale de Verdun2. Sans qu’il soit possible d’être affirmatif quant à la provenance exacte, on peut ainsi supposer avec quelque vraisemblance que la statue-colonne du musée provient de la même région du nord-ouest de la Lorraine.
1. Inv. 1090. Nous tenons à remercier Mme Isabelle Bardiès, conservatrice au musée de la Cour-d’or, pour les éléments qu’elle a bien voulu nous communiquer.
2. Marschall, 1984, pl. 152 et p. 284.
Désignation : Statue-colonne
Matière : Pierre
Technique : Sculpture
Sujet iconographique : David
Périodes : XIIe siècle
http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=1174
Xavier Dectot
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016