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Cl. 18659 (Cl. 1512 ?) et Cl. 18952
Paris, Saint-Pierre de Montmartre (?), vers 1160
Calcaire (liais parisien)
H. 103 ; L. 38 ; Pr. 36,5 cm
Proviennent peut-être de l’église Saint-Pierre de Montmartre.
Affectés au musée de Cluny avant 1848.
Cl. 18659 (corps) : peut-être ancien numéro 1512 de l’inventaire de 1848, inventoriée en 1912, considérée apparemment à tort comme faisant partie du lot retrouvé rue de la Santé en 1839 et provenant de Notre-Dame de Paris (ancien numéro Cl. 1513). Déposée au Louvre de 1972 à 1978.
Cl. 18952 (tête) : inventoriée en 1912 comme trouvée en magasin.
L’histoire de ces deux fragments est assez connue. Dès une époque indéterminée – avant 1906 en tout cas puisque Wilhelm Vöge le rapporte –, le fragment Cl. 18659 fut intégré, par erreur semble-t-il, dans le lot des sculptures retrouvées en 1839 rue de la Santé. On en déduisit qu’il provenait de Notre-Dame, opinion qui se maintint jusque fort avant dans le xxe siècle : c’est ainsi qu’il fut présenté dans l’exposition Cathédrales. Si, dès les années 1960, certains, tel Jacques Vanuxem, avaient mis en doute cette provenance, il fallut attendre l’exposition de Senlis en 1977 pour que l’hypothèse soit définitivement rejetée. C’est également à l’occasion de cette exposition que, pour la première fois, Léon Pressouyre fit le rapprochement entre les deux fragments, puis, au moment du démontage, put procéder à une tentative d’assemblage entre les deux éléments.
Les traces de mortier alors décelables sur le cou du torse et dans certains de ses plis attestent qu’il a été un temps pris dans une maçonnerie – ce qui permet d’écarter définitivement l’hypothèse de son appartenance à la découverte de 1839 –, tandis que la tête, vierge de ce type de dépôt, semble n’avoir pas connu un tel sort – ce qui indiquerait que les deux œuvres sont entrées séparément dans les collections du musée. La provenance originelle reste difficile à déterminer : dès 1978, Jacques Thirion, dans une intervention suivant la communication de Léon Pressouyre à la Société des antiquaires, proposait d’y voir une statue de Saint-Pierre de Montmartre. Léon Pressouyre semble avoir hésité à reprendre cette hypothèse, même s’il évoque dans l’une de ses notes la possible identité entre ce torse et l’ancien numéro 1512, qui n’a effectivement aujourd’hui pas d’autre pendant identifié. L’histoire de cet édifice, dont les principales campagnes de construction se situent dans les années 1130-1140 mais où, manifestement, les travaux se poursuivirent jusque dans les années 1180, ne s’oppose pas à une telle attribution, qui reste cependant, aujourd’hui, fort hypothétique.
Sous un chapeau circulaire, une couronne de bouclettes en coquille ceint un visage ovale, au front marqué de deux profondes rides. L’arcade sourcilière, très marquée, s’étend de part et d’autre d’un nez droit qui sépare les yeux, globes ronds saillant sous des paupières formées de deux bourrelets. La bouche, aux lèvres bien formées, est surmontée d’une courte moustache, dont les poils semblent enroulés en natte et qui rejoint la barbe, courte sur les joues. Au niveau du menton, cette dernière s’allonge pour former deux épaisses mèches qui s’enroulent l’une autour de l’autre, rejoignant la main gauche, tenue haute devant la poitrine et retenant un phylactère que la main droite déroule. L’ensemble est pratiquement indépendant de la colonne sur laquelle il s’appuie.
Les plis, espacés mais tranchants, rapprochent cette sculpture de tout l’ensemble qui, autour du portail de la cathédrale de Senlis et de celui de la collégiale de Mantes, constitue le cœur du deuxième moment de la naissance de l’art gothique. Certains éléments, notamment le travail très particulier de la tête et de la barbe, marquent cependant l’ancrage parisien de cette sculpture, et incitent peut-être à en avancer légèrement la datation par rapport à celle généralement admise dans la décennie 1170. Le travail de la pilosité, mais aussi les rides profondes, les arcades sourcilières saillantes incitent à rapprocher la statue-colonne d’un fragment de bien moindres dimensions, conservé au musée du Louvre, provenant des Chantiers de Saint-Denis et qui fut peut-être une voussure du portail des Valois1. De même, la structure particulière de la barbe et le travail des yeux se retrouvent dans certains des vieillards de l’Apocalypse des voussures du portail Sainte-Anne. Avec ses plis légèrement moins serrés, son côté peut-être plus lisse, cette sculpture lui semble légèrement postérieure. Mais si l’on accepte les propositions faites récemment par Pamela Z. Blum et Alain Erlande-Brandenburg de placer le début de la construction du portail des Valois avant la mort de Suger2, et si l’on tient compte des rapprochements suggérés avec le portail Sainte-Anne, il est tentant d’avancer la datation de cette statue-colonne d’une décennie pour la placer à la fin des années 1150 ou au début des années 1160, peu de temps après la réalisation de ces deux portails3.
1. RF 1236. Baron, 1996, p. 72.
2. Blum, 1994, et Erlande-Brandenburg, 1999.
3. Une telle datation irait dans le sens des propositions d’Alain Erlande-Brandenburg et de Delphine Christophe de vieillir le portail de la cathédrale de Senlis, même si placer celui-ci avant 1151 semble quelque peu excessif. Erlande-Brandenburg, 2001, et Christophe, 2002.
Désignation : Statue-colonne
Matière : Calcaire lutétien
Technique : Sculpture
Sujet iconographique : Prophète
Périodes : 3e quart du XIIe siècle
http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=1108
Xavier Dectot
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2011 ; mise à jour : mai 2016